Partie 1
Ci-dessous des extraits du commentaire de Benny Lévy sur l'article de Lévinas "Etre juif", dans le cadre de son séminaire hebdomadaire à l'Institut d'Etudes Lévinassiennes (Jérusalem) sur « Le temps : de la phénoménologie à l'eschatologie messianique », lors des séances des 10, 17 et 24 janvier 2001 (cours n°9, 10 et 11).
En 1947, l’année même où sont prononcées les Conférences publiées dans Le temps et l’autre et où paraît De l’existence à l’existant, un article de Lévinas intitulé « Etre juif » sort dans une petite revue juive, Confluences. Je ne saurais vous décrire mon saisissement ; cet article de 1947 semble déconstruire chaque proposition avancée la même année dans les textes philosophiques.
Encore plus saisissant : Lévinas a scrupuleusement surveillé la publication des recueils de ses textes dispersés dans les revues. Il a publié dans Difficile Liberté « Etre occidental ». « Être juif », non. Il ne savait peut-être pas quel éditeur choisir : du côté de la philosophie ou du côté du judaïsme. Pourquoi cet article n’a-t-il pas été publié ? Comme s’il devait rester l’arrière (secret) des textes publiés au grand jour.
Quand Lévinas parle des Juifs, il ne parle pas du judaïsme mais de l’être juif, de l’exister à l’existant (juif). La théologie ne se pense – si elle doit se penser – qu’à partir de l’exister. Un petit texte de 1935 l’annonçait déjà :
« Le Juif est inéluctablement rivé à son judaïsme. »
Il s’agit pour Lévinas d’expliciter ce qui se joue dans l’intrigue de l’assimilation : de décrire l’existence à quoi s’assimile le Juif et, ce faisant, ce qu’il oublie comme existence proprement juive.
On entre dans le saisissant.
L’horizon de l’assimilation : le présent !
L’horizon du Juif : le passé !
Dans Le temps et l’autre, Lévinas avait fait le silence sur le passé. Pour donner sa jeunesse au commencement, son élan à l’instant, il avait fait le sacrifice du passé (à la vérité, il l’avait laissé… à l’arrière, secrètement).
« Nous voudrions tenter autre chose : caractériser la signification ontologique de cette existence du monde non-juif vers laquelle l’assimilation accédait. »
Nous sommes vraiment dans le vocabulaire du temps et l’autre.
« La poésie païenne des Géorgiques, des champs portant des moissons dorées, se prolonge insensiblement et admirablement en chants religieux d’un Péguy, d’un Jammes, d’un Claudel. »
Paganisme qui se prolonge ! Les fondateurs de l’Eglise, que l’on appelle les « pères » par anti-phrase, ont été formés par les lettres latines. L’empereur devient chrétien. La société entière dans sa paganicité devient chrétienne.
« Il y a comme une parenté entre deux formes, de prime abord contradictoires, de l’existence – l’une absolument libre, affranchie de toute entrave, disposant de toutes les ressources d’une vie intérieure à renouvellements infinis, à recommencements innombrables ; l’autre, se déroulant comme quelque chose d’éternel : une nature humaine à jamais définie, rangée dans des espèces stables au milieu d’un monde à rythme régulier, aux formes préexistantes, aux lois implacables.
Situation qui, loin de constituer une simple contradiction, apparaît comme l’essence dialectique du monde. Elle ne résulte pas de quelque hypocrisie foncière qu’on dénonce à tort et à la légère. »
Nous reconnaissons cette notion de l’hypocrisie : elle figure dans la préface de Totalité et Infini. Quand Lévinas définit le monde moderne il le définit comme hypocrisie : non pas comme vilain défaut contingent, mais comme double attachement à la fois au philosophe et au prophète. Ici, l’hypocrisie, et c’est la même chose, est définie comme double attachement au fond païen et à la forme chrétienne.
« Elle n’apporte pas la preuve que le monde chrétien n’est pas assez chrétien. La vie profane dans le monde, se déroulant au sein d’une réalité sans pathétique – immuable mais quotidienne – est singulièrement proche d’une existence qui se réfère à la vie intérieure : l’une et l’autre se comprennent à partir du présent. »
Comment se marient ces deux éléments à première vue totalement contradictoires ? Grâce au présent. Grâce au présent, on peut être pagano-chrétien, moderne.
La thèse est produite. Pourquoi cela commence-t-il par le présent ?
« Car la vie quotidienne est essentiellement un présent : avoir affaire à l’immédiat, s’introduire dans le temps, non pas en parcourant tout le fil du passé, mais d’un coup ; ignorer l’histoire. Et si l’immédiat est rapporté à un passé, ce passé, à son tour, prend allure de présent. Toujours limité, il se détache arbitrairement d’un passé plus lointain. »
Cette remontée dans le plus lointain du passé constituera la grande réflexion ultérieure de Lévinas. Mais en 1947, dans Le temps et l’autre, lui aussi entre, semble-t-il, dans le présent, tout d’un coup.
« Etre dans le présent, c’est traiter le monde, c’est nous traiter nous-mêmes, comme on traite les gens qui nous entourent, dont on ignore la biographie, qui arrachés à leur famille, à leur milieu, à leur intérieur, sont tous de "père inconnu", abstraits en quelque manière, mais, pour cela précisément, donnés immédiatement. »
L’« individu » moderne est de père inconnu. L’abstraction de l’individu – atome de la pensée politique moderne –, sa vérité, c’est qu’il est de père inconnu. Il est synchrone avec le présent. Pour cette raison, on peut faire de la sociologie : avec des individus. Comment pourrait-on faire de la sociologie avec des uniques, avec des soi authentiques ?
« Aussi le rapport avec l’être, dans la vie quotidienne, est-il action. Il est comme le glaive d’Alexandre qui ne dénoue pas les nœuds, qui ne refait pas à l’envers les mouvements qui nouent, mais qui tranche. »
Comme l’enfant tire sur le double nœud, au lieu de le dénouer. Etre dans le monde moderne, c’est déchirer le passé. On déchire le lacet. On tranche le nœud, au lieu de le dénouer avec précaution, tel Alexandre, fondateur de la vie moderne en étant le chef du monde grec et la racine du monde romano-chrétien. Le glaive d’Alexandre, c’est la coupure du présent. Ce geste prend le présent comme s’il sortait de rien, comme s’il naissait de soi. Autant de formules que Lévinas lui-même semble reprendre à son compte dans De l’existence à l’existant et dans Le temps et l’autre.
Le monde moderne est aussi le monde des lois scientifiques. Et les lois sont des synchronismes, elles ne connaissent pas l’origine. La coupure galiléenne ne connaît pas, ne connaît plus, se désintéresse de l’origine.
« L’approfondissement scientifique de la réalité ne divorce pas d’avec le présent. Non seulement parce qu’il s’épanouit en technique et en action ; mais parce que l’idée de loi qui permet de retrouver le tout perdu dans la perception, nous le rend flottant comme un présent ; c’est-à-dire sans référence à l’origine qu’impliquait encore l’idée de cause. Si le monde quotidien est un monde d’à peu près, d’immédiat, de compromis où il s’agit toujours de "parer au plus pressé", où il y a toujours de l’urgent, le monde de la légalité scientifique demeure, lui aussi, sans principe. Le fondement idéaliste de la science moderne consiste, en somme, à remplacer l’origine par la liberté, c’est-à-dire, en fin de compte, par le présent, par cette façon de trancher sur le temps et sur sa continuité, d’interrompre, de venir à partir de rien, c’est-à-dire à partir de soi. »
Dans Le temps et l’autre aussi, on coupait dans la trame pour qu’un instant apparaisse : degré zéro, jeunesse d’un commencement. Ici, cela définit le monde moderne, l’horizon métaphysique du clocher. Saisissant !
Soit maintenant le christianisme :
« Mais le christianisme aussi est une existence à partir du présent. Certes, dans une très large mesure, il est un judaïsme : mais ce n’est pas au judaïsme qu’il doit son succès. Son originalité a consisté à reléguer au deuxième plan ce Père auquel le Juif est accroché comme à un passé, et à n’accéder au Père qu’à travers le Fils incarné, c’est-à-dire à travers une présence, à travers sa présence parmi nous. Ce n’est pas une question de dogme, mais d’émotion. Alors que l’existence juive se réfère à un instant privilégié du passé et que sa position absolue dans l’être lui est assurée par sa filialité, l’existence chrétienne possède dans son présent même ce point d’attache privilégié. Dieu lui est frère, c’est-à-dire lui est contemporain. L’œuvre du salut est entièrement intérieure, ne s’accomplit pas avec l’entrée même dans l’être, avec la naissance : elle est dans le pouvoir d’une nouvelle naissance à chaque instant promise, dans la conversion, dans le contact de la grâce. Il y a là une atténuation de la notion d’origine dans ce qu’elle a de fort, au profit de la notion du présent. D’où toute l’atmosphère pascalienne et kierkegardienne : la possession du salut est à chaque instant à nouveau remise en question, mais précisément pour cette raison, le salut se donne dans la fraîcheur et la jeunesse de son présent. Il ne saurait jamais constituer un acquis, mais s’offre à la conquête. D’où aussi, dans un autre ordre, la nécessité de répéter le mystère de Golgotha, d’en redevenir le contemporain. »
Le Chrétien est essentiellement moderne. Réciproquement : le moderne est essentiellement chrétien.
« L’œuvre du salut est entièrement intérieure, ne s’accomplit pas avec l’entrée dans l’être, avec la naissance : elle est dans le pouvoir d’une nouvelle naissance à chaque instant promise, dans la conversion, dans le contact de la grâce. »
On pourrait tirer la dernière phrase de De l’existence à l’existant. Dans le texte philosophique : proposition positive. Au même moment, dans le texte juif : critique.
Il faut maintenant dire positivement l’existence juive – sa facticité bouleversante :
Dès son article de 1935, Lévinas nous avait dit que l’hitlérisme a rappelé à chaque Juif l’irrémissibilité de son être juif, sa facticité juive. Le terme d’irrémissibilité nous rappelle la notion d’« il y a ». Le Juif n’est pas le viril existant qui s’arrache à l’exister, il est d’emblée un retournement de l’il y a. La facticité juive a les même propriétés que l’il y a . Une juiverie, c’est une irrémissibilité d’exister. Une insomnie. Découvrir qu’on est rivé au judaïsme, c’est d’abord une malédiction et puis cela vire en exultation.
Un dialogue avec Sartre s’engage. D’accord, l’essence vient à partir de l’existence.
« Il a peut-être raison de contester au Juif une essence propre. Mais si Sartre lui laisse une existence nue comme à tous les autres mortels et la liberté de se faire une essence – soit en fuyant, soit en assumant la situation qui lui est faite –, on est en droit de se demander si cette existence nue n’admet aucune différenciation. La "facticité" juive, n’est-elle pas autre que la "facticité" d’un monde qui se comprend à partir du présent? »
L’existence précède l’essence. Mais dans l’existence même, il y a une différence. Ne parlons donc pas d’essence juive, mais d’existence juive.
La facticité juive, c’est un mode d’exister et, on le voit, qui n’est pas celui de l’il y a. Même irrémissibilité des deux côtés, même fait d’être livré sans possibilité d’échappement. Lévinas citera toujours le vers de Racine : je fuis dans la nuit ; où fuir? Où se réfugier? Mais le père tient l’urne fatale. Je ne peux pas fuir. Je ne peux pas fuir dans l’il y a. Je ne peux pas m’endormir dans le sans-cesse de l’insomnie. Je ne peux pas ne pas être juif. Simple : on est dans l’exister. Il n’y a rien de plus simple que l’existence ; or l’existence juive se différencie de l’existence moderne. L’existence juive est une facticité qui ne s’entend qu’à partir du passé, alors que l’existence moderne ne s’entend qu’à partir du lacet déchiré, de la coupure du présent.
« Facticité » vient du mot « fait ».
Un fait ne peut pas se retourner en acte, il est fait, toujours fait. La facticité juive : j’ai beau faire, je suis fait, les jeux sont faits, les Juifs sont faits. Un Juif est fait – comme un rat – quand il essaye de fuir – sa condition juive. Le seul problème, c’est d’être rattrapé, pas trop tard, pour que le prix ne soit pas trop élevé.
« Le recours de l’antisémitisme hitlérien au mythe racial a rappelé au Juif l’irrémissibilité de son être. Ne pas pouvoir fuir sa condition – pour beaucoup cela a été comme un vertige. »
A travers le malheur, grâce de s’être réveillé !
Du fait même du recours de l’hitlérisme au mythe racial, quelque chose de décisif s’est réveillé chez le Juif.
L’hitlérisme définit le sujet, sa valeur en tant que sujet, par l’enchaînement au corps.
« L’essence de l’homme n’est plus dans la liberté, mais dans une espèce d’enchaînement. Etre véritablement soi-même ce n’est pas reprendre son rôle au-dessus d’une contingence toujours étrangère à la liberté du moi, c’est au contraire prendre conscience de l’enchaînement originel inéluctable unique à notre corps ; c’est surtout accepter cet enchaînement. »
Le recours de l’antisémitisme hitlérien au mythe racial, autrement dit, la découverte par l’hitlérien de l’être rivé et le consentement à l’enchaînement a rappelé au Juif son propre être rivé, l’irrémissibilité de son être.
Avec le Chrétien, avec le libéral, le Juif n’avait pas la possibilité de redécouvrir la vérité de son être – selon l’expression de Difficile Liberté : « l’ultime identité, son innocence ». Il a eu cette possibilité grâce à – ou à cause de, ou par le malheur de – l’hitlérisme.
Cette formulation de l’être juif, Lévinas la gardera jusqu’à ses derniers instants. Le vrai, c’est ce qui fait irruption une fois pour toutes. C’est un effet d’interruption total.
« Par ce virement inattendu de la malédiction en exultation, l’existence juive ne saurait rentrer dans le jeu des distinctions par lesquelles Sartre, par exemple, essaie de la saisir. »
Tout est dit. On disait « grâce à, à cause de, par le malheur » : virement d’une malédiction en exultation. Hitler : la malédiction. Exultation : je suis juif. J’exulte : le judaïsme m’est révélé.
Dans la séquence philosophique du temps et l’autre il fallait maîtriser le sans-cesse horrible et lugubre de l’il y a par la virilité de l’existant pour espérer être libre. Maintenant je deviens libre par l’exultation de l’être juif lui-même. Déplacement décisif.
Lugubre, horrible sans-cesse, c’est ce par quoi on « commence » dans l’il y a, et il faut attendre l’événement de la paternité pour que s’accomplisse le présent libre du sujet. Dans la facticité juive elle-même – virement, l’être rivé lui-même révélant –, on gagne la liberté sans se déplacer . Tel est le secret du Juif : cette immobilité. Dès la face juive de l’il y a, je suis déjà le père libre dont Lévinas nous parle à la fin de De l’existence à l’existant.
Dans Le temps et l’autre et De l’existence à l’existant, il fallait fuir le passé pour avoir un commencement véritable. On voulait un vrai instant qui commence, la vraie jeunesse du présent, la vraie liberté du commencement, donc il fallait se débarrasser du passé qui pèse, qui produit cet effet fatal de déterminisme : si on veut un commencement véritable, il faut fuir ce passé. Décision que Lévinas prend dans ses textes, en faisant l’impasse du passé.
Ici, il retourne à un autre passé. Plus clairement : il faut aller du passé simple au « passé absolu ». Lévinas parle – à propos du monde contemporain, du christianisme – d’une histoire sans origine absolue. Par la négative se dessine la notion positive : une origine absolue. Le mot origine renvoie au passé. Passé absolu. Passé absolu qui libère du passé fatal.
« Le passé que la création et l’élection introduisent dans l’économie de l’être ne se confond pas avec la fatalité d’une histoire sans origine absolue. Tout au contraire, le passé que dans l’économie de l’être introduit la création et l’élection, communique au présent la gravité d’un fait. Le poids d’une existence et comme une assise. »
Rappelons, pour mesurer le déplacement, la séquence des textes philosophiques : d’abord l’il y a, puis l’hypostase ; l’encombrement du soi – le couple fatal du moi et du soi. L’hypostase nous avait fait gagner une base, mais d’emblée la position devenait prison, dont il fallait s’évader. A peine avions-nous aperçu le féminin comme base que l’abîme s’ouvrait à nouveau sous nos pieds.
Ici, depuis le début, grâce à la face juive de la facticité, nous pouvons gagner, au regard de ce qui se passe dans l’hypostase, une base pour le présent, qui, loin de devenir prison, est désormais une assise. La gravité du fait donne une assise au sujet. La stance qu’il cherchait dans l’instant, et qu’il perdait dans l’hypostase, c’est l’assise même de l’être juif.
Le virement de la malédiction juive en exultation : la révélation de l’assise.
Le Juif à l’ombre du passé absolu se tient auprès du Père. Je n’ai pas besoin de me mettre en chemin vers le Père, dit Lévinas. Le Juif est immobile. Le Juif est un vrai « être là ». Il suffit d’être immobile, de ne pas croire au mouvement, au progrès, de rester dans l’éternelle immobilité de l’assise. Immobilité au niveau de l’ultime identité de l’être.
Contemporain du passé absolu une fois pour toutes : il n’y pas de question juive.
La gravité du fait juif n’est pas encombrement, comme dans les textes philosophiques : couple fatal du moi et du soi, non-liberté, « responsabilité ». Au contraire :
« Dans un nouveau sens, enfin, être créé et être fils, c’est être libre. Exister comme créature c’est ne pas être écrasé, sous la responsabilité d’adulte, s’est se référer dans sa facticité même (immobile – c’est moi qui l’ajoute) à quelqu’un qui porte l’existence pour vous, qui porte le péché, qui peut pardonner. »
On découvre au fin fond, du sein même de la facticité immobile, que nous sommes portés. Etre porté, être fils : être libre.
L’assise se révélant à nous, se découvre alors le père comme passé absolu. Le père dans son absoluité de père, du sein même, de dessous même la facticité. Sous le fait : la volonté du Père.
« Un fait sera fait d’une manière absolument passive s’il est créature. L’impératif de la création qui se prolonge dans l’impératif du commandement et de la loi instaure une passivité totale. Faire la volonté de Dieu est dans ce sens, la condition de la facticité. »
Et grâce au Père se dévoile l’être-frère :
« Ce fait tient de l’élection sa structure de personnalité. Il y a en effet dans la notion de "moi" une contradiction qui la définit. Le moi se pose comme simple partie de la réalité et, à la fois, comme muni du privilège exceptionnel de la totalité. Le moi équivaut à tout l’être, dont il ne représente cependant qu’une partie. Contradiction surmontée dans l’émotion de l’élection. Le sens de l’élection et de la révélation comprise comme élection ne réside pas dans l’injustice d’une préférence. Il suppose la relation de père à enfants où chacun est tout pour le père sans exclure les autres de ce privilège. »
Je suis une partie du monde, et pourtant le monde est créé pour moi.
Et en même temps (celui du Passé absolu) pour tous les autres (uniques).
« Chaque fils du père est fils unique. » (T.I, p. 311)
Egalité qui ne suppose aucun tiers : fraternité.
Ce texte « Etre juif » fonctionne, disions-nous, comme un arrière (secret) des textes publiés au grand jour. Arrière, réserve séminale des possibilités à-venir du penser « philosophique ». Texte-père.
Dans la guerre métaphysique entre le Père vivant et le Père inconnu, guerre à l’arrière de tout texte lévinassien, ce texte-père devait rester secret.
Benny Lévy